Coup de massue sur l’Horlogerie Suisse à la veille du SIHH

[dropcap type= »3″]A[/dropcap]lors que le SIHH de Genève ouvre ses portes lundi, une mauvaise, une très mauvaise nouvelle qui affectera à coup sûr l’ensemble de la branche horlogère suisse est tombée cette semaine ! En effet, depuis de nombreux mois la Banque Nationale Suisse avait institué un taux plancher à 1,20 sur le taux de change EUR/CHF afin d’empêcher le franc suisse de trop s’évaluer sur le marché des devises, mais depuis quelques heures, cette situation est terminée, fini le taux plancher et les conséquences ne se sont pas fait attendre, désormais  1 euro s’échange contre 1 franc suisse ou presque !

Inutile ici de vous faire un cours d’économie, cette nouvelle est très mauvaise pour les entreprises suisses qui exportent à travers le monde, et quelles sont les entreprises suisses qui exportent ? Les maisons horlogères, oui ! Pour rappel, en novembre dernier, les exportations horlogères suisses à travers le monde s’élevaient à 2,1 milliards de francs ! Bref, à la veille du Salon International de la Haute Horlogerie, les maisons horlogères auraient sans doute rêvé d’un meilleur tableau…

Horloger suisse

Le PDG de la maison H. Moser & Cie qui vend près d’un millier de montres par an se pose des questions et à adressé au président de la BNS Thomas Jordan une lettre ouverte que je vous propose de découvrir ci-dessous, une lettre qui aurait sans doute pu être écrite par de nombreuses marques horlogères… Les groupe Richemont et Swatch Group ne doivent pas non plus être ravi de cette appréciation soudaine du franc suisse, c’est du moins l’avis du marché au vu de leur dégringolade en bourse.


Lettre ouverte à Monsieur Thomas Jordan, président de la Banque Nationle Suisse, de la part des entrepreneurs de H.Moser

Neuhausen am Rheinfall, le 15 janvier 2015

Cher Monsieur le Président,

Je tenais à vous remercier personnellement et publiquement de votre décision d’abolir le cours plancher de 1,20 franc suisse pour 1 euro.

Ce matin, quand je me suis réveillé, j’étais en proie à un sentiment étrange. Alors que je prenais connaissance des nouvelles, je me demandais « que vais-je bien pouvoir faire aujourd’hui ? », à côté bien évidemment de nos tâches habituelles en ce mois de janvier. Il n’y avait pas d’annonce de nouveau conflit, aucune grosse actualité à propos de la baisse des marchés émergents, ni, fort heureusement, de nouvelle attaque terroriste.

Je suis un entrepreneur et dirige une petite manufacture horlogère appelée H. Moser & Cie., basée dans le canton de Schaffhouse. Chez H. Moser & Cie., notre signature est « Very rare ». « Very rare » parce que nous produisons 1’000 montres par année, parce que nous sommes des entrepreneurs au sein d’un groupe indépendant et familial qui emploie 55 personnes, et parce que nous sommes une manufacture dans le véritable sens du terme, concevant et produisant entièrement nos montres ingénieuses.

En tant qu’entrepreneur dans une petite compagnie suisse, j’aime les défis. Qu’ils soient générés par la pression exercée par les grands groupes de luxe en matière d’approvisionnement ou de distribution, ou encore liés à la bataille quotidienne que nous livrons pour faire plus avec de petits budgets face à l’avalanche de publicité et de grand marketing. Et bien aujourd’hui, Monsieur le Président, votre décision spectaculaire a encore rendu les choses plus complexes : en effet, 95% de notre production est vendue à l’étranger et à des clients autour du monde – hors de Suisse. Je profite d’ailleurs pour mentionner, de manière concrète et transparente, que les premiers détaillants ont annulé leurs commandes suite à votre annonce.

Ainsi, ce matin, à 10h38, quand mon directeur financier m’a envoyé un email intitulé « Breaking News », j’ai pensé : « Enfin quelque chose à faire ! ». Quelque chose qui va me forcer à trouver des solutions pour poursuivre notre croissance, améliorer notre rentabilité et assurer la pérennité de H. Moser & Cie., garantissant le travail de mes 55 collaborateurs.

En fait, une pensée m’a traversé l’esprit : pourquoi ne pas tout simplement déménager à 2 kilomètres, en Allemagne, et continuer notre activité dans l’Union européenne ? Je ferais même d’une pierre deux coups puisque cela me permettrait de résoudre cet autre défi qui attend l’économie suisse à partir du mois de février, avec la diminution des permis de travail délivrés aux résidents de l’Union européenne – j’ai omis de préciser que 20% environ de mes employés sont allemands.

Alors laissez-moi vous faire un appel clair au nom de toutes les entreprises de petite et moyenne taille qui emploient de si nombreux collaborateurs suisses : je suis convaincu que vous avez un plan qui va nous aider à traverser tout ça sur le long terme. Parce que, si tel n’est pas le cas, comme beaucoup d’autres merveilleuses créations suisses, les montres H. Moser risquent de devenir vraiment très très rares…

Cordialement,

Edouard Meylan
CEO de H. Moser & Cie.

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